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Désirs d'avenir UK - Ségolène Royal 2007
16 septembre 2006

«Ségolène Royal incarne une forme de virginité partisane»

Frédéric Sawicki, politologue, revient sur la bataille des éléphants au PS :

file_204832_62358Par David REVAULT D'ALLONNES

QUOTIDIEN : Samedi 16 septembre 2006 - 06:00

Professeur de sciences politiques à l'université Lille-II, Frédéric Sawicki a consacré l'essentiel de ses recherches au Parti socialiste (1). Il met en évidence la difficulté du parti à renouveler ses cadres et ses orientations politiques, et replace dans ce contexte le «phénomène Ségolène».

Quelle dynamique interne rend possible l'ascension de Ségolène Royal face aux éléphants ?

La grande innovation, c'est que, pour la première fois, quelqu'un qui n'a jamais occupé de fonction importante au sein du parti est en passe de l'emporter. Les ralliements à Ségolène Royal sont le fruit d'un blocage des postes et d'une crise générationnelle du PS. A l'intérieur du parti, l'accès aux responsabilités, en particulier aux fonctions électives, est monopolisé par des gens rentrés au parti avant 1981. La seule réponse apportée à cette situation a été la parité, qui n'a d'ailleurs pas vraiment entraîné un renouvellement du personnel politique : les femmes ne constituent aujourd'hui qu'un quart des parlementaires socialistes... Se rallient donc à Ségolène Royal des gens écartés des postes à responsabilités dans les ministères sous Jospin, à la tête du parti ou dans les grandes villes. Ils ont envie qu'on donne sa chance à une autre génération.

Comment analyser la spectaculaire influence des sondages dans le processus de désignation ?

Le fait que les dirigeants socialistes regardent les sondages pour se déterminer n'est pas neuf. En 1995, Lionel Jospin, opposé à Henri Emmanuelli, avait mis en avant sa meilleure image dans l'opinion et des sondages le présentant comme un présidentiable plus crédible.

Si de plus en plus de gens au PS accordent aujourd'hui une attention déterminante aux sondages, c'est parce que l'identité du PS est totalement brouillée : les orientations idéologiques des différents candidats sont largement interchangeables. En dehors de leurs personnalités, rien ne sépare vraiment les candidats déclarés. Par exemple, Laurent Fabius entend aujourd'hui incarner la gauche du PS, alors qu'il y a cinq ans, à Bercy, il préconisait une politique économique plutôt libérale, à coups de baisse d'impôts, de privatisation des entreprises publiques et de mise en place d'une épargne salariale en matière de retraite...

Les militants, et un certain nombre d'élus, ne sont pas amnésiques. Personne ne croit vraiment que les uns sont plus à gauche ou à droite que les autres. Ce qui laisse la place à des critères personnels. Et quoi de mieux que des sondages pour départager les candidats en lice ? L'arbitrage par les sondages n'est pas le plus irrationnel qui soit, dès lors que les courants ne sont plus que des écuries rassemblées autour de personnalités.

Le poids des sondages serait donc la manifestation d'une crise du Parti socialiste ?

La perméabilité croissante des membres du PS aux sondages est le signe d'un discrédit des dirigeants en place. Si les candidats sont interchangeables, autant prendre celui qui a le plus de chances... Vis-à-vis des nouveaux adhérents ou d'un certain nombre de militants fatigués, Ségolène Royal incarne une certaine forme de virginité partisane. On lui prête, à tort ou à raison, une constance. Elle donne l'impression d'être sincère : elle dit ce qu'elle pense des 35 heures ou de Blair. Les ralliements à Ségolène Royal sont avant tout le produit du scepticisme généralisé vis-à-vis des éléphants socialistes.

Tandis que Ségolène Royal cherche à se démarquer de ses concurrents, en allant jusqu'à jouer en marge du PS, Lionel Jospin, lui, se pose en garant de la culture du parti...

Quand Lionel Jospin se présente comme le candidat du parti, il s'efforce de mobiliser les principaux responsables en agitant un chiffon rouge : «Ségolène risque, si elle est élue, d'être incontrôlable, de ne pas renvoyer l'ascenseur au parti. Le PS risque d'être marginalisé, transformé dans ses structures, avec la mise en place d'une démocratie d'opinion.» Son message subliminal, c'est un peu : «Avec moi, vous savez ce qu'il en est. Je ferai appel à des socialistes éminents au gouvernement, je gouvernerai en concertation avec le parti. N'ayez crainte.» Evoquer la fidélité au parti, c'est aussi jouer le maintien des positions et des équilibres acquis.

Quel impact auront les nouveaux adhérents ?

Au Parti socialiste, avant cette vague de 80 000 adhésions, on avait 120 000 adhérents, avec des sections qui fonctionnaient de plus en plus en vase clos et qui ne se renouvelaient pas. Personne n'avait vraiment intérêt à faire entrer de nouveaux adhérents, qui risquaient de bouleverser les équilibres locaux et de menacer les processus d'investiture aux élections. Les nouveaux venus, eux, ne sont pas dans les relations traditionnelles d'échange et de fidélité avec les secrétaires de section et les élus locaux. Leur préoccupation numéro 1, c'est d'abord que Sarkozy ne soit pas élu. Cela casse complètement les logiques habituelles à l'intérieur du PS : les élus locaux ne maîtrisent plus les votes des adhérents. Mais attention : les socialistes sont quand même experts en matière de contrôle des votes...

(1) A lire : les Réseaux du PS. Sociologie d'un milieu partisan (Belin, 1997) et la Société des socialistes. Le PS aujourd'hui (avec Rémi Lefebvre, éditions du Croquant, à paraître en octobre).


http://www.liberation.fr/actualite/politiques/204832.FR.php

© Libération

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